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Rapport 2023 du Groupe de travail n°1

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LA BIOMASSE ET LA NEUTRALITÉ CARBONE

Proposer une méthodologie de hiérarchisation des usages de la biomasse pour guider la décision publique dans l’atteinte de la neutralité carbone.

Selon la Stratégie nationale bas carbone révisée en 2020 (SNBC 2), la France doit atteindre la neutralité carbone en 2050 : cela signifie qu’à cette date, les émissions de gaz à effet de serre résiduelles seront compensées par un niveau égal de gaz à effet de serre absorbés, par des puits de carbone naturels ou artificiels. La SNBC 2 fixe ce niveau d’équilibre, « neutre en carbone », à 80 Mteq CO2 d’émissions comme d’absorptions. Or, en 2021, la « balance carbone » de la France était négative à hauteur de 404 Mteq CO2, avec 14 Mteq CO2 d’absorptions contre 30 fois plus d’émissions.

Pour atteindre la neutralité carbone, il est impératif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en développant les capacités d’absorption permises par l’activité végétale. C’est ici que la biomasse joue un rôle fondamental :

  • d’une part, la SNBC fixe un objectif en 2050 de 400 à 450 TWh de production énergétique à partir de biomasse – qu’il s’agisse de production d’électricité, de biogaz, ou encore de bio-carburants ;
  • d’autre part, la SNBC prévoit que la biomasse sera source d’émissions négatives grâce à sa capacité à capter et stocker les émissions incompressibles de CO2 à horizon 2050.

Toutefois, la biomasse ne se cantonne pas à l’énergie ou au stockage du carbone : elle peut par exemple être valorisée pour la construction, l’ameublement ou l’agriculture. Les intrications entre biomasse et neutralité carbone sont donc multidimensionnelles et dépassent le strict champ énergétique, ce d’autant plus que le cycle du carbone varie en fonction du type de biomasse et de la forme de sa valorisation.

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Télécharger la contribution de GRDF au rapport du GT1

Le groupe de travail sur « La biomasse et la neutralité carbone » co-présidé par Monique AXELOS, Directrice scientifique à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), et Patrice GEOFFRON, Professeur de sciences économiques à l’Université de Paris Dauphine-PSL, avait donc pour objectif de faire œuvre de pédagogie sur le rôle de la biomasse dans l’atteinte de la neutralité carbone. Le groupe est en effet parti du constat que les usages des différents types de biomasses ont des implications multisectorielles (agricoles, alimentaires, relatives à la sécurité d’approvisionnement, à la biodiversité, à la décarbonation, etc.) qui justifient une analyse transversale, au-delà de la perception de la biomasse comme seule variable d’ajustement des scénarios énergétiques à horizon 2050.

1. La première partie du rapport s’attache donc à expliciter ce que recouvre le terme « neutralité carbone » au travers du cycle du carbone, et le rôle de la biomasse dans ce cycle.

Par leur genèse, les biomasses contiennent du carbone et selon l’usage qui en sera fait, ce carbone retournera tôt ou tard, en totalité ou en partie, dans l’atmosphère. Mais l’originalité des biomasses et leur grand intérêt, tient au fait qu’elles sont renouvelables.

Cependant, renouvelable ne signifie pas « renouvelée », ni « neutre ». Par exemple, les forêts se régénèrent au cours de plusieurs décennies pour pouvoir absorber à nouveau le CO2 qui a été relâché lors de la combustion. Cette différence de temporalité entre absorption et émission constitue l’un des principaux points d’attention de ce rapport.

2. La deuxième partie du rapport présente la diversité des types de biomasse : elle détaille leurs caractéristiques respectives, leurs différents usages et les enjeux autour de leur mobilisation.

Elle met notamment en évidence les mécanismes par lesquels les différents types de biomasses (biomasse végétale à cycle long, biomasse végétale à cycle court, biomasses non végétales) peuvent concourir à la neutralité carbone :

  • par la reconstitution du puits carbone ;
  • par un effet de stockage dans des matériaux ;
  • par une contribution à la réduction des émissions de CO2 : soit par effet de substitution-produit (par exemple, substitution de l’acier par le bois dans la construction) ; soit par effet de substitution-énergie (par la valorisation énergétique des biomasses sous forme de biocarburants, biogaz, bois-combustion, en substitution à d’autres sources d’énergies concurrentes davantage émettrices).

La France dispose d’un potentiel important de ces différentes biomasses. Pour chacune d’elles, des équilibres locaux, nationaux et globaux sont à trouver, en lien notamment avec les autres ressources mobilisées et les autres objectifs poursuivis.

La crise actuelle a mis en lumière notamment des questions de sécurité d’approvisionnement et de diversification des sources de production d’énergie. Dans ce contexte, la biomasse peut jouer un rôle significatif, en particulier en permettant d’œuvrer à la résilience du système énergétique.

3. La troisième partie a pour objet de proposer une méthodologie de hiérarchisation des activités relatives à la biomasse en fonction de leur contribution à la neutralité carbone.

Le périmètre des activités retenues est large : il va de la replantation forestière à la valorisation énergétique ou matériau de la biomasse.

Pour cette hiérarchisation, le groupe de travail a identifié 4 principaux critères :

  • deux critères relatifs au concours d’une activité à l’atteinte de la neutralité carbone, que ce soit par l’absorption de CO2 ou par la réduction de ses émissions ;
  • et deux critères transversaux relatifs à la pertinence de ces activités compte tenu de leur équilibre coût/bénéfice/risque ainsi que de leur compatibilité avec d’autres objectifs de politiques publiques, comme la préservation de la biodiversité ou de la sécurité d’approvisionnement énergétique.

L’ambition de ce rapport est donc de proposer une méthodologie de hiérarchisation qui puisse servir de guide à une prise de décision publique éclairée, sur la base de critères objectifs. Les différents critères proposés, déclinés en sous-critères, peuvent être différemment pondérés, selon les priorités déterminées par le décideur public qui s’appropriera cet outil.

Les 4 critères et 11 sous-critères de hiérarchisation des usages de la biomasse proposés par le rapport :

✅ Critère 1 – Concours à l’absorption du CO2 atmosphérique

  • Sous-critère 1a : Développement des puits de carbone
  • Sous-critère 1b : Réduction des puits de carbone

✅ Critère 2 – Concours à la réduction des émissions de CO2 dans l’atmosphère

  • Sous-critère 2a : Réduction des émissions par effet de substitution-produit
  • Sous-critère 2b : Réduction des émissions par effet de substitution-énergie
  • Sous-critère 2c : Contrepartie en dépense énergétique et émissions CO2

✅ Critère 3 – Équilibre coût/bénéfice/risque

  • Sous-critère 3a : Viabilité économique
  • Sous-critère 3b : Degré de maturité
  • Sous-critère 3c : Synergie avec d’autres bénéfices associés
  • Sous-critère 3d : Sensibilité aux aléas et aux évolutions structurelles

✅ Critère 4 – Compatibilité avec d’autres objectifs de politique publique

  • Sous-critère 4a : Compatibilité avec d’autres objectifs environnementaux
  • Sous-critère 4b : Compatibilité avec d’autres objectifs de sécurité, souveraineté, …