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Le billet du lundi : Tous traders !

Le moteur de transformation profonde alimenté par les impératifs de transition énergétique et de révolution digitale commence à faire ressentir ses effets dans le secteur très mouvant de la fourniture d’énergie.

Nous n’avons pas l’habitude, ni en France ni ailleurs, d’imaginer le consommateur avoir directement accès aux marchés eux-mêmes. La stabilité du système, le confort des consommateurs, une certaine vision des régulations, notre vision des services d’intérêt général, construisent un sas d’activités entre consommateur et marchés, les revenus des fournisseurs prenant en compte le risque qu’ils portent afin de ne pas répercuter en temps réel sur les prix de l’énergie domestique les aléas et variations des prix constatés sur les marchés de gros.

C’est ce sas qu’une jeune entreprise californienne (appelée Griddy) remet en cause. Elle propose désormais à ses 10 000 clients texans un forfait fondé sur un abonnement mensuel de 10 dollars (variable pour les entreprises) puis des kilowattheures consommés au prix du marché de gros, auquel s’ajoutent les coûts de réseau. Une application numérique permet aux consommations de vérifier en temps réel les prix de l’énergie sur les marchés, pariant ainsi sur des réductions de consommation. L’entreprise assure que les consommateurs paieront leur énergie 30% moins cher et promeut son service en précisant qu’il est justifié par le fait de vendre l’électricité à son vrai prix, le prix qu’elle a à tout moment, et rien de plus. D’autres commentateurs craignent l’effet sur le prix payé par le consommateur des futurs pics de consommation, notamment cet été au Texas.

Bien qu’il demeure malaisé de se prononcer sur la soutenabilité de ces offres très liées aux aléas du marché, il est possible que cette initiative soit suivie. L’information a en tout cas l’intérêt d’illustrer plus finement le concept de consommateur acteur. En effet, que les outils numériques apportent d’inédits instruments de contrôle, de lissage, d’adaptation de sa propre consommation ne fait pas de doute. Que ces possibilités de contrôle, de prévisibilité, de réactivité portent en elles-mêmes des conséquences tarifaires, commerciales, comportementales est également inévitable. La question porte plutôt sur l’ampleur des activités de gestion et des facultés de décision laissée aux consommateurs. Si les moyens de contrôle de sa consommation constituent un progrès, le fait de transformer le consommateur en acteur énergétique soumis à toutes les fluctuations du marché pourrait faire débat, du fait de l’exposition d’un citoyen, sinon à des risques et incertitudes excessifs, du moins à un monde aux filets de protection de plus en plus indistincts.