Il y a 30 ans, le 24 juin 1988, le New York Times titrait sur le réchauffement climatique (“global warming”). C’était la première fois que ce sujet quittait le cercle fermé des scientifiques spécialisés pour rencontrer le grand public.
Cet anniversaire nous rappelle l’incroyable puissance prédictive de la science moderne. À cette époque, le réchauffement était à peine entamé et imperceptible, mais les phénomènes physiques sous-jacents avaient déjà été identifiés et compris par les scientifiques. Il faut relire cet article pour constater à quel point les prévisions des scientifiques de l’époque étaient justes.
De la même façon que la science fondamentale, la technologie a montré des capacités d’évolution phénoménales. Le PV et l’éolien existaient mais étaient coûteux et cantonnés à des niches étroites. En à peine trois décennies, ils sont devenus les sources de production d’électricité de masse les moins chères. Il a fallu un énorme soutien public pour initier cette révolution, mais le résultat est là.
Et puis il y a la politique. Tout a été dit sur la difficulté d’une gouvernance mondiale, la seule adaptée à ce problème par essence planétaire. Si on imaginait une gouvernance mondiale “éclairée” (qui aurait par ailleurs d’autres inconvénients …), la question du réchauffement serait résolue. Toutes les solutions existent et sont connues. Mais on le sait bien, les dirigeants, qu’ils soient élus démocratiquement ou non, se préoccupent de leur pays principalement et surtout beaucoup d’entre eux sont obnubilés par le court terme.
Mais au-delà des gouvernants, une des causes du problème est sans doute l’écart, ou plutôt le gouffre, entre les fondements de la science moderne et l’importance de son rôle d’une part, et la connaissance, même approximative, qu’en a la population. Les mêmes personnes qui croient que la terre est plate ou que l’évolution est une théorie parmi d’autres utilisent tous les jours leur téléphone portable, leur lecteur de DVD, leur GPS, consultent les prévisions météo, etc. Combien parmi nous savent que tous ces services sont des applications directes de la mécanique quantique dans ses aspects les plus pointus ?
Or, c’est la même science qui nous dit depuis 30 ans que le réchauffement est d’origine humaine et que si rien n’est fait une catastrophe surviendra. Nous sommes unanimes à utiliser la science quand elle sert notre confort, notre santé ou notre niveau de vie, mais nous préférons l’ignorer lorsqu’il s’agit de modifier nos habitudes et que le résultat n’est pas immédiatement visible.
C’est peut-être d’ailleurs ce qui va nous sauver. Il s’avère que le réchauffement, même à un stade encore précoce, cause des dérèglements ayant des conséquences catastrophiques au niveau local. Cette visibilité permet une prise de conscience de plus en plus grande. Si le changement climatique était plus insidieux, nous finirions sans doute comme la grenouille bien connue dans la marmite bouillante.