En annonçant vouloir multiplier les capacités actuelles de l’éolien en mer (off-shore)[1] par 25 d’ici 2050, la Commission européenne place ses espoirs dans cette filière pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de l’Europe[2].
Pour y parvenir, le développement de l’éolien « flottant » constituera probablement un passage obligé. En effet, 80 % du potentiel de l’éolien en mer européen se situe dans des zones où les profondeurs sont supérieures à 60 mètres[3], limite maximale à partir de laquelle il n’est plus envisageable, économiquement, de poser les éoliennes sur les fonds marins (éolien dit « posé »). Installées à plus grandes distances des côtes, sur des flotteurs en béton et/ou en acier ancrés au plancher océanique, les éoliennes bénéficient de régimes de vent plus favorables qui permettent d’optimiser la production électrique et d’en limiter la variabilité. Cet éloignement des côtes réduit en outre certaines problématiques d’acceptabilité et d’impacts environnementaux que soulève l’éolien posé.
Dans un premier temps, les acteurs de l’éolien en mer ont envisagé de développer de nouvelles générations d’aérogénérateurs et de pâles adaptées aux besoins spécifiques du « flottant » – notamment avec des technologies d’axes verticaux –, mais ils y ont renoncé en raison des coûts exorbitants de tels développements. Le choix a donc été fait d’adapter les flotteurs aux caractéristiques des éoliennes « posées », dont plus de 5 000 exemplaires sont déjà installés, notamment au large du Royaume-Uni, de l’Allemagne et du Danemark.
Les industriels s’inspirent pour ce faire des technologies développées pour les plateformes pétrolières ou gazières, avec comme contrainte commune de garder un haut niveau de stabilité, y compris en cas de tempête. A cet égard, le chavirage au large de l’Espagne d’un prototype d’éolienne flottante fin octobre 2020 est venu rappeler l’ampleur du défi.
Aujourd’hui, quatre grands concepts de flotteurs se dégagent parmi la trentaine de technologies en développement.

- Le « flotteur de type barge », relativement compact et en partie immergé, opérable dès 30 mètres de profondeur.
- Le « flotteur semi-submersible », aujourd’hui le plus répandu, qui repose sur un trépied partiellement immergé de trois à quatre colonnes cylindriques reliées entre elles.
- Le « flotteur de type SPAR » (Single Point Anchor Reservoir), qui se caractérise par sa forme cylindrique de 70 à 80 mètres (pour une éolienne de 6 MW) dans la continuité du mât de l’éolienne.
- Le « flotteur immergé avec câbles tendus » (Tensioned Leg Platform), entièrement immergé et relié au fond marin par des câbles sous tension.
Une différence de taille existe néanmoins entre ces flotteurs et ceux utilisés dans le secteur de l’Oil & Gas. Quand un ou deux flotteurs suffisent pour supporter une plateforme pétrolière ou gazière, un parc éolien en compte plusieurs dizaines – un par éolienne. La place du flotteur dans la chaîne de valeur de l’éolien y est donc bien plus importante, ce qui implique de changer d’échelle pour produire ces flotteurs en série et réduire le coût de la technologie.
Il s’agit là d’un défi que devront relever les acteurs industriels en se montrant innovants et compétitifs. Afin de générer de l’activité et des emplois locaux, certaines collectivités territoriales se sont déjà mobilisées à leurs côtés[4] pour adapter les infrastructures portuaires (renforcement des quais, création de zones dédiées, …) afin d’y assembler les flotteurs, ces derniers étant ensuite remorqués jusqu’à la zone du parc en mer (contribuant à réduire les coûts d’installation par rapport à l’éolien posé).
Plusieurs pays sont positionnés sur le « flottant » comme le Royaume-Uni (Écosse), la Norvège, les États-Unis, la Corée du Sud ou le Japon. En France, quatre appels à projets attribués en 2016 en Bretagne et en Méditerranée serviront notamment à tester ces flotteurs en conditions réelles[5], alors que trois appels d’offres sur l’éolien flottant sont prévus par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)[6].
Les conditions d’émergence de cette nouvelle filière font l’objet d’une attention particulière du Comité de prospective de la Commission de régulation de l’énergie. Son groupe de travail dédié aux énergies marines rendra ses conclusions au printemps 2021.
[1] Les capacités installées aujourd’hui en Europe représentent 23 GW.
[2] https://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/offshore_renewable_energy_strategy.pdf
[3] Source : Carbon Trust
[4] 600 millions d’euros ont déjà été investis en Normandie, en Bretagne (dont 200 M€ pour le polder de Brest), sur la façade atlantique et en Méditerranée (100 M€ à Port-la-Nouvelle).
[5] Voir le tableau récapitulatif de ces démonstrateurs en cliquant ici
[6] Selon le calendrier de la PPE, ces appels d’offres devraient être attribués en 2021 (Bretagne Sud, 250 MW avec un prix de 120 €/MWh) et en 2022 (Méditerranée, deux fois 250 MW avec un prix de 110 €/MWh
N.B. Les « billet[s] du lundi » du Comité de prospective de la CRE présentent des sujets qui ont trait au secteur de l’énergie sur la base de synthèses documentaires ou d’observations sur des articles ou des documents élaborés par des tiers. Ces synthèses n’engagent pas le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Elles ont pour but d’attirer l’attention des acteurs sur des éléments factuels auxquels ils peuvent réagir par retour de contribution à notre adresse : eclairerlavenir@cre.fr.