
L’hydrogène, voilà une petite molécule[1] à qui l’on prête de grandes vertus : la décarbonation de l’industrie, la transformation vers des mobilités propres, le verdissement du gaz et, à plus long terme, le stockage des excédents issus des nouvelles sources d’électricité renouvelable. L’engouement pour l’hydrogène s’est notamment traduit, ces derniers mois, par la définition de nouvelles stratégies européenne et nationales pour favoriser son développement.
L’hydrogène fait pourtant déjà partie de notre quotidien. Il s’agit de l’élément le plus abondant dans l’univers. Il est par ailleurs largement utilisé dans l’industrie. 75 millions de tonnes d’hydrogène sont produites chaque année dans le monde, dont environ 900 000 tonnes en France. Le problème, c’est que cet hydrogène, obtenu principalement par vaporeformage d’énergies fossiles, est fortement carboné. La production d’une tonne d’hydrogène dégage environ 10 tonnes de CO2. Les 1 milliard de tonnes de CO2 émises chaque année par la production d’hydrogène représentent 2,5 % du total des émissions mondiales.
Cet hydrogène est dit « noir », ou « gris ». Il s’agit donc de le remplacer par de l’hydrogène « bas-carbone », expression qui désigne en réalité une grande diversité de sources d’hydrogène. Par commodité, une palette de couleur, ou « arc en ciel de l’hydrogène », est couramment mise en avant pour distinguer les différentes sources d’hydrogène. Elle recoupe, pour partie seulement, les différentes techniques de production d’hydrogène, dont les deux principales sont le vaporeformage et l’électrolyse.
En voici un bref aperçu.
- « L’hydrogène blanc » présent à l’état naturel sous forme gazeuse dans des couches géologiques[2].
- « L’hydrogène noir »qui est produit par gazéification du charbon (traitement thermochimique à des températures très élevées). L’hydrogène est dit « noir » pour le charbon bitumineux et « brun » pour le lignite.
- « L’hydrogène gris », le plus courant, est produit à partir de gaz naturel par vaporeformage qui permet de séparer les molécules d’hydrogène des molécules de carbone avec de la vapeur d’eau.
- « L’hydrogène bleu » désigne l’hydrogène produit par vaporeformage de sources fossiles ou de biogaz, couplé à une chaîne de captage, de transport puis de stockage du carbone (CCS) à laquelle nous avons récemment consacré un « billet du lundi ».
- « L’hydrogène turquoise », obtenu par craquage de méthane en hydrogène et en carbone solide, plus facilement stockable que le CO2.
- « L’hydrogène jaune », obtenu par électrolyse à partir de l’électricité issue du réseau, et dont la teneur carbone dépend fortement du mix électrique du pays considéré.
- « L’hydrogène rose » est produit par électrolyse d’électricité directement issue d’une centrale nucléaire, par exemple par un petit réacteur modulaire (Small Modular Reactor – SMR).
- « L’hydrogène vert » est intégralement produit à partir d’énergies renouvelables à faibles teneurs en carbone (électrolyse d’électricité renouvelable, pyrolyse du méthane ou fermentation de biomasse, etc.).
Cette nomenclature colorée est utilisée pour ses vertus didactiques. Elle n’occulte pas les travaux de caractérisation des différentes formes d’hydrogène engagés aux niveaux européen et national. En France, l’ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 qualifie l’hydrogène de « renouvelable », « bas-carbone » ou « carboné », en fonction du mode de production, de l’énergie utilisée et des émissions de gaz à effet de serre associées[3].
« L’arc en ciel de l’hydrogène » ne doit pas cloisonner les débats : in fine, les indicateurs pertinents, bien plus que l’origine de l’énergie primaire utilisée ou la technologie employée, sont les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que les autres impacts environnementaux que l’on peut également évaluer grâce à des analyses de cycle de vie (ACV).
Outre la maturité des technologies de production d’hydrogène, les conditions de fabrication d’un H2 bas-carbone compétitif dépendent également des caractéristiques de chaque pays, de leurs mixes énergétiques et de leurs évolutions respectives dans le temps. La France peut par exemple s’appuyer dès-à-présent sur une électricité fortement décarbonée grâce à son parc nucléaire. Raccorder l’électrolyseur directement au réseau d’électricité semble donc pertinent, ce qui n’est pas le cas pour d’autres pays dans lesquels les mixes électriques sont plus carbonés et/ou l’électricité issue de sources renouvelables est accessible à très bas coûts et de façon abondante.
Les conditions du développement de l’hydrogène bas-carbone font l’objet d’une attention particulière du Comité de prospective de la Commission de régulation de l’énergie. Son groupe de travail dédié au « vecteur hydrogène » rendra ses conclusions le 29 juin prochain.
Nota bene CRE : Les « Billet[s] du lundi » du Comité de prospective de la CRE présentent des sujets qui ont trait au secteur de l’énergie sur la base de synthèses documentaires ou d’observations sur des articles ou des documents élaborés par des tiers. Ces synthèses n’engagent pas le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Ils ont pour but d’attirer l’attention des acteurs sur des éléments factuels auxquels ils peuvent réagir par retour de contribution à notre adresse : eclairerlavenir@cre.fr.
[1] Sous la forme du dihydrogène, H2. L’hydrogène est le plus petit des atomes. Sa combustion n’émet pas de CO2, ce qui en fait un excellent candidat pour décarboner l’économie.
[2] https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/lhydrogene-naturel-curiosite-geologique-ou-source-denergie-majeure-dans-le-futur
[3] Les seuils d’émissions de CO2 pour chacune de ces catégories doivent encore être définis par décret.