La comparaison économique des technologies de production d’énergie s’appuie souvent exclusivement sur les coûts directs de production. L’émergence de sources d’énergie non pilotables induit des besoins d’investissements sur les réseaux et la mise en place de dispositifs de maintien de la stabilité du système notamment électrique, pour garantir l’ajustement entre l’offre et la demande. Toutefois, les services pouvant être délivrés par les énergies renouvelables en matière de flexibilité, de participation aux services système, etc., doivent aussi être pris en compte dans le calcul économique qui vise à les comparer.

Dans le rapport de l’AIE et de RTE sur les conditions d’un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050, publié en janvier 2021, les deux entités considèrent que « toute évaluation future [de l’évolution du réseau] devra se concentrer sur les coûts globaux du système plutôt que sur des indicateurs tels que le coût moyen de l’électricité par technologie (LCOE), car ceux-ci ne tiennent pas compte des coûts environnants pour assurer la sécurité d’alimentation et les autres exigences techniques. L’AIE et RTE estiment que tout chiffrage économique devra ainsi prendre en compte l’ensemble des coûts associés à une part élevée [d’énergie renouvelable], dont ceux liés au stockage, à la flexibilité de la demande et au développement des réseaux. […] L’analyse montre que ce type de coûts pourrait être important après 2035 »[1].
1. Le LCOE : un métrique économique communément admis pour évaluer la compétitivité des technologies de production
L’évaluation économique des technologies de production d’énergie, repose aujourd’hui essentiellement sur le calcul du coût moyen de l’électricité, dit “levelised cost of electricity” (LCOE). Cet métrique de mesure de la compétitivité, rapporté en euro par mégawattheure (MWh), fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans son World energy outloock de 2018, l’AIE propose d’ajuster le calcul du LCOE à la valeur délivrée par les technologies pour les systèmes énergétiques dans lesquels elles s’insèrent.
Le LCOE est un indicateur synthétique qui intègre tous les coûts directs induits par les technologies, sans prendre en compte leur valeur pour le pilotage du système énergétique, selon leurs modes de fonctionnement et leurs répartitions. Ainsi, l’AIE propose une méthode de calcul du LCOE value-adjusted (VA-LCOE) qui permettrait de comparer le coût et la valeur apportée par chaque technologie de production renouvelable ou non[2].
2. Comment calculer la VA-LCOE ?
La VA-LCOE s’appuie sur le calcul d’un LCOE moyen par technologie qui associe trois éléments dits “de valeur” (VA) : (i) l’énergie, (ii) la capacité et (iii) la flexibilité. Ces trois éléments sont considérés par l’AIE comme comparables dans tous systèmes énergétiques.
Évolution du LCOE vers la VA-LCOE

Cet ajustement consiste à comparer les éléments de valeur (VA), portés par chaque technologie, avec la moyenne du système. Ce qui a pour effet d’ajuster le LCOE des technologies de production à la hausse, pour celles qui contribuent le moins, et à la baisse, pour celles qui contribuent le plus à garantir la stabilité du système.
La VA-LCOE reflète l’intérêt des décideurs et les planificateurs aux technologies de production favorisant l’équilibrage du système. Ce calcul ne représente pas nécessairement le point de vue des investisseurs, qui considèrent uniquement les flux de revenus disponibles pouvant inclure l’ensemble des mécanismes de soutien qui ne sont pas compris dans le calcul de la VA-LCOE. De cette façon, la VA-LCOE est un outil d’aide à la décision tenant compte ex-ante de l’ensemble du système.
3. Une valorisation des services offerts au système énergétique par technologie
L’ajustement de la valeur (VA) varie en fonction des modes de fonctionnement des technologies (capacité à fonctionner en pointe et intermittence) et des contraintes propres au système énergétique dans lesquels elles s’insèrent. Les technologies qui ne fonctionnent que pendant les heures de pointe ont un coût (LCOE) élevé par MWh, et une valeur (VA) relativement élevée par MWh. La VA-LCOE permet ainsi de mieux valoriser des technologies qui apportent de la flexibilité au réseau énergétique.
Pour les énergies renouvelables, l’ajustement de la valeur dépend principalement de la ressource, du profil de production, de l’adéquation de ce profil avec la courbe de demande d’énergie, et de la part des énergies renouvelables intermittentes déjà raccordées au système. Les différents modes de fonctionnement opérationnels peuvent être pris en compte dans la VA-LCOE, d’améliorant les comparaisons entre technologies.
4. Les limites de l’évaluation de la compétitivité des énergies renouvelables par la VA-LCOE
Les critiques à la VA-LCO portent sur le fait qu’elle ne prendrait pas en compte : les coûts liés à l’intégration des technologies de production au réseau, les externalités environnementales non reflétées par un système de taxe, et le besoin d’une diversité de sources d’approvisionnement énergétique pour garantir les différents usages.
Nota bene CRE : Les « Billet[s] du lundi » du Comité de prospective de la CRE présentent des sujets qui ont trait au secteur de l’énergie sur la base de synthèses documentaires ou d’observations sur des articles ou des documents élaborés par des tiers. Ces synthèses n’engagent pas le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Ils ont pour but d’attirer l’attention des acteurs sur des éléments factuels auxquels ils peuvent réagir par retour de contribution à notre adresse : eclairerlavenir@cre.fr.
[1] RTE et IAE, Étude sur les conditions techniques nécessaires pour un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050, janvier 2021.
[2] International energy agency, World energy model documentation, 2020 version [https://iea.blob.core.windows.net/assets/55b96d4d-e9f0-46a1-9965-590ef37c1ff6/WEM_Documentation_WEO2020.pdf].